Un ancien joueur pro devenu correspondant sportif d’une radio nationale a dit un jour au sujet des arbitres : « Ils n’aiment pas le football, ils ne le ressentent pas. Ils sont trop rigides dans l’application des règlements et sont très souvent jaloux des joueurs. C’est devenu un gros problème dans les championnats. Entre joueurs et arbitres, il y a deux états d’esprit qui ne s’emboîtent pas. Un arbitre qui n’a jamais joué ne saura jamais ce qu’est un tacle. Ils ne font pas partie de la famille quoi qu’on en dise ». Que répondez-vous à ce genre de propos ?
Michel Vautrot (5 matches de Coupe du Monde, 5 finales de Coupe de France, finale de l’Euro 1988, instructeur à la FIFA) continue de prêcher la bonne parole |
Je n’aime pas ces formules à l’emporte-pièce qui font croire à des généralités. Comment peut-il dire que les arbitres n’aimenpas le football ? Il a été bien content de les avoir pour lui servir la soupe quand il jouait. Et tous les sacrifices qu’ils font (surtout au début de leur carrière) c’est parce qu’ils n’aiment pas le foot ? Sans orgueil déplacé, je n’ai jamais joué au foot et je n’ai jamais eu la prétention d’être le meilleur mais j’ai eu une plus grande carrière que lui. Nous avons eu un ancien pro devenu arbitre, il a bénéficié d’une formation rapide pour atteindre le haut niveau mais il n’a pas percé dans la fonction et il a arrêté... De la part de correspondant sportif, c’est gratuit et méchant de dire cela car on pourrait aussi répondre que malgré des salaires élevés certains joueurs très renommés mettent le pénalty largement en dehors du cadre… Ou ratent des buts tout faits .... C’est ce qui fait le charme du jeu qui appelle l’erreur par définition. Je rêve d’un jour où l’on comprendra que l’arbitre est le complice du joueur et du jeu, pas l’emmerdeur de service....
Quels sont les changements significatifs que vous avez observés depuis les années 70-80, en dehors des Lois ?
Le plus grand changement s’est produit à mes yeux après la « révolution » de mai 68 où plus personne ne voulait d’autorité. C’est ainsi que l’autorité « sacrée » des maires, des instituteurs et des curés a été bafouée. Et ce fut le cas également pour l’arbitre. Je pense aussi que la couleur noire des tenues était plus représentative de l’autorité, de la justice, du juge neutre. En ce qui concerne le football de l’élite, il est clair que les équipes et les arbitres sont mieux préparés physiquement, que le jeu (et les joueurs) va plus vite. Sur ce point, c’est le jour et la nuit si on compare hier à aujourd’hui. Par ailleurs, l’exposition médiatique a explosé et la télévision est plus souvent à charge contre les arbitres avec la multiplication des caméras autour des terrains.
Pourquoi ne pas avoir recours officiellement à la vidéo, les clubs comme la plupart des arbitres sont pour ?
C’est un débat sans fin et un serpent de mer qui revient après chaque erreur ou pseudo erreur des arbitres. Bizarre on n’en parle jamais quand les joueurs ratent des gestes qui paraissent immanquables ! Avez-vous remarquez que la plupart des anciens grands joueurs ne sont pas pour ? Il faudrait des
pages entières pour développer ce sujet avec des exemples pouvant aller dans un sens ou l’autre. Je dis souvent que j’ai un avis “caméléon” : je me lève le matin en étant philosophiquement contre ; en rencontrant dans la journée des gens aux avis divergents, j’ai un doute ; le soir en suivant un match avec une grossière erreur je me dis que .... Je vais me coucher et le lendemain matin je suis de nouveau contre car dans tout bilan il faut faire l’actif et le passif et tirer les conclusions. Le football est une activité humaine qui ne se joue pas à la playstation et il y a tellement de différences d’appréciation que même la solution vidéo, à part les erreurs logistique nettes, n’apporterait pas de réponse mais de nouvelles discussions sans fin. Et ne comparez pas avec le rugby où l’éducation est différente ce qui n’empêche pourtant pas de nombreuses critiques dans le Top 14....J’imagine les réactions de ceux qui vont me lire, mais je reconnais que c’est trop réducteur d’en parler en quelques lignes.
pages entières pour développer ce sujet avec des exemples pouvant aller dans un sens ou l’autre. Je dis souvent que j’ai un avis “caméléon” : je me lève le matin en étant philosophiquement contre ; en rencontrant dans la journée des gens aux avis divergents, j’ai un doute ; le soir en suivant un match avec une grossière erreur je me dis que .... Je vais me coucher et le lendemain matin je suis de nouveau contre car dans tout bilan il faut faire l’actif et le passif et tirer les conclusions. Le football est une activité humaine qui ne se joue pas à la playstation et il y a tellement de différences d’appréciation que même la solution vidéo, à part les erreurs logistique nettes, n’apporterait pas de réponse mais de nouvelles discussions sans fin. Et ne comparez pas avec le rugby où l’éducation est différente ce qui n’empêche pourtant pas de nombreuses critiques dans le Top 14....J’imagine les réactions de ceux qui vont me lire, mais je reconnais que c’est trop réducteur d’en parler en quelques lignes.
Que faudrait-il faire pour changer l’image de marque de l’arbitre et l’aider dans sa fonction ?
Il ne faut pas faire des arbitres des robots, mais leur redonner de l’humain. Le commentaire des images ne devrait pas ajouter à la charge de ces dernières, mais expliquer pourquoi l’arbitre n’a pas vu ou pas sifflé. Et puis, tous les dérapages verbaux et physiques devraient être sanctionnés sans faiblesse par les instances du football. Enfin, l’arbitrage à 5 prôné par Michel Platini en Champions League et en Coupe de la Ligue pourrait être utilisé en Ligue 1 et Ligue 2, ça apporterait deux paires d’yeux supplémentaires…
Et pour attirer les jeunes à l’arbitrage ?
Si les solutions miracles existaient, nos valeureux anciens les auraient trouvées depuis longtemps. Et s’il suffisait de se rendre à la grotte de Lourdes.... Je regrette mais je constate que seul le statut très contraignant pour les clubs des obligations d’arbitrage permet le recrutement, malheureusement par défaut, et la stabilisation de nos effectifs. Pourtant l’arbitrage est une fantastique école de la vie et je répète souvent que ce que je n’ai pas appris dans les livres c’est l’arbitrage qui me l’a offert. Rendre la justice sportive est quelque chose de motivant en permettant la pratique d’un sport (l’arbitrage en est un) car si nous n’avons pas le même maillot que les joueurs nous avons la même passion qui nous conduit à une hygiène de vie bénéfique dans notre vie d’homme (ou de femme puisque la corporation est ouverte aux deux sexes).
Que pensez-vous du système consistant à former les candidats à l’arbitrage en trois jours, tout en sachant qu’ensuite ils seront suivis sur le terrain ?
C’est mieux que rien ! Mais un candidat doit déjà avoir au préalable consulté les règles et il ne faut pas oublier qu’il progressera avec l’expérience. J’ai toujours dit que j’avais progressé dans mon arbitrage bien après mon titre d’international.... Et le candidat va vite se rendre compte qu’il y a une différence énorme entre la théorie et la pratique. Je forme le voeu que ses formateurs lui apprennent la loi 18 non écrite, celle du bon sens au service du jeu et des joueurs. Et qu’ils lui disent que le football n’a pas été inventé pour les arbitres mais qu’il ne peut pas se jouer sans lui...
FOOT 10 MAG N° 87 – Mai 2013 – Page 5
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