23 avril 2013

Témoignage de Nathanael Pitel, arbitre agressé à Fesches Le Chatel

 

Toujours très choqué par l’agression dont il a été victime à Fesches-le-Châtel, Nathanaël Pitel a bien voulu raconter en détail ces terribles événements. Et son dégoût, de plus en plus profond, envers ces joueurs qui salissent l’image du football.


Son regard, teinté de tristesse et d’une froide détermination, ne laisse planer aucun doute : le traumatisme qu’il a subi est profond. Agressé dimanche après-midi par deux joueurs de la réserve de Fesches-le-Châtel (voir notre édition d’hier), Nathanaël Pitel, étranglé puis frappé à la pommette alors qu’il se trouvait au sol, aura bien du mal à tourner la page de cette sombre journée. Rentré de l’hôpital dimanche en cours de soirée avec une ITT de trois jours, cet arbitre de 33 ans, qui réside à Montbéliard, a passé sa journée entre la gendarmerie, où il devait déposer plainte, et le district Belfort-Montbéliard, où il a reçu un soutien sans faille en fin d’après-midi. Au milieu de cet emploi du temps dont il se serait bien passé, Nathanaël Pitel a tout de même bien voulu répondre à nos questions. Et raconter des événements qui font véritablement froid dans le dos. 

Nathanaël, une première question toute simple : comment allez-vous ? 

J’ai quitté l’hôpital de Montbéliard à 21 h dimanche soir, ils ont regardé ma pommette qui, heureusement, n’est pas cassée, avant de me donner trois jours d’ITT (Interruption Temporaire de Travail). Mais je suis surtout très choqué, démoralisé. C’est simple, je pleure pratiquement tout le temps depuis dimanche. 

Pour en revenir au match, avez-vous senti la tension monter avant votre agression aux alentours de la 70e minute ? 

Oui, c’était un match tendu. Déjà dans les vestiaires avant le coup d’envoi, j’ai senti que les deux capitaines se chauffaient (NDLR : le premier match entre les deux équipes s’était déroulé six jours plus tôt dans une ambiance tendue)

Et puis arrive ce fait de jeu, assez banal, mais qui aura des conséquences terribles… 

En effet, c’est parti d’un choc anodin entre deux joueurs. Il n’y avait franchement pas mort d’homme. Le gars du BRCL (l’équipe adverse) était par terre, et alors qu’il allait se relever, un joueur feschois a dit à l’un de ses coéquipiers : « Vas-y, nique-le ». J’ai alors appelé ce joueur pour lui mettre un rouge, mais je n’ai même pas eu le temps car le N°2, qui n’avait rien à voir, est venu s’en mêler. Je lui ai répliqué que ce n’est pas lui que je voulais voir. Il m’a répondu : « Si, tu ne parles qu’à moi ». 

Et les coups sont arrivés dans la foulée ? 

Il m’a d’abord poussé un peu en mettant ses deux mains sur ma poitrine, et là je lui mets directement un carton rouge. Et tout de suite, il a commencé à m’étrangler. J’ai senti ma respiration se bloquer, ça a duré environ dix secondes, et ensuite il m’a foutu par terre. Je me suis alors recroquevillé sur moi-même, et là, un autre joueur m’a donné un coup de poing sur la pommette. C’est là que j’ai commencé à faire une crise d’épilepsie, j’y suis sujet. 

Ensuite, de quoi vous souvenez-vous ?

 Pas grand-chose. Quand je fais une crise, ça occasionne un trou de mémoire, puis une très grosse fatigue. Apparemment, j’ai perdu connaissance pendant une minute, des joueurs et des délégués m’ont pris en charge, et quand j’ai repris mes esprits, j’étais allongé dans les vestiaires. Les pompiers sont arrivés, puis j’ai dû attendre les gendarmes avant d’être transféré à l’hôpital.

Une telle agression doit vous donner envie de stopper toute activité d’arbitrage, non ? 

Si on me demande aujourd’hui, oui, j’arrête ! Mais je préfère réfléchir à tête reposée avant de prendre une telle décision.Deux agressions comme celle-là, ça fait un peu beaucoup 

Est-ce la première fois de votre carrière que vous êtes victime de tels actes ? 

Non, malheureusement, il y a eu une première agression, je crois que c’était en novembre 2010 lors d’un match entre Dampierre et les SR Belfort. Un joueur m’avait attrapé à la gorge, puis le gardien m’avait bousculé. Ce jour-là, c’était la journée du fair-play… Et deux agressions comme celles-là, ça fait un peu beaucoup. 

Comment ont réagi votre famille et votre entourage ? 

Mes parents sont en Normandie, et mon frère est à Grand-Charmont. Il me dit de passer si j’en ai besoin, bien sûr. J’ai aussi beaucoup d’amis, et heureusement qu’ils sont là, tout comme les autres arbitres, les gens du district qui me demandent des nouvelles. Ça me fait chaud au cœur, et c’est aussi pour ça que j’attends avant de prendre une décision concernant ma fonction d’arbitre. 

Pour terminer, qu’avez-vous envie de dire après ce triste épisode ? 

Que dans le foot, il n’y a vraiment plus aucun respect. Pour rien.

Source : Le Pays, photo : Lionel Vadam

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