A la veille de la journée nationale de l'arbitrage, le n°1 des arbitres de football francs-comtois dresse un tableau inquiétant de la situation à l'échelle régionale et appelle à davantage de fermeté pour sortir de la crise des vocations.
Le bout du tunnel commence à se profiler pour Stéphane Moulin. Victime d'un claquage durant sa préparation estivale, l'arbitre franc-comtois n'a toujours pas dirigé la moindre rencontre cette saison et devrait être en mesure de reprendre le sifflet avant la fin du mois de novembre. Egalement président de la commission régionale de l'arbitrage à la ligue de Franche-Comté, il a assisté à la montée de la violence sur les terrains comtois (dix agressions au cours des douze derniers mois) qui coïncide avec des pertes sans précédent au niveau des effectifs. A la veille de la journée nationale de l'arbitrage, le vétéran des arbitres de Ligue 1 tire une nouvelle fois le signal d'alarme.
Stéphane Moulin, où en êtes vous physiquement après le claquage qui vous a privé de tout le début de saison?
J'ai repris doucement l'entraînement il y a quinze jours mais je ressens toujours une gêne au niveau de la jambe: je ne peux toujours pas accéléré. Mais je suis dans les temps puisque l'objectif est d'être à 100% le 20 novembre pour la séance de tests physiques organisée par la DNA (Direction Nationale de l'Arbitrage). Si ça se passe bien, je devrais pouvoir arbitrer dans la foulée un match du 7e tour de la coupe de France.
Avec le recul que vous a contraint à prendre votre blessure, quel bilan dressez-vous du début de saison au sein de l'élite?
Ça semble bien se passer, l'esprit est moins polémique que la saison dernière. Je pense que le fait que les arbitres se soient rendus dans les clubs durant l'intersaison a contribué à cela. Les joueurs, les entraîneurs et les dirigeants ont pu voir qu'on ne travaillait pas n'importe comment, qu'on avait une méthode.
A terme, cette méthode risque peut-être d'évoluer avec les projets que s'apprêtent à tester la FIFA. Qu'est-ce que cela vous inspire?
Concernant l'abitrage à cinq arbitres (ndlr: il s'agit de rajouter deux arbitres supplémentaires pour mieux contrôler ce qui se passe dans les surfaces de réparation) qui sera testé au Mondial des clubs en décembre, j'attends de voir. A priori pourquoi pas mais je me dis que même avec une caméra, on ne parvient pas à tout voir alors l'oeil humain à vitesse aura toujours ses limites quand bien même on aura recours à deux paires supplémentaires. Le recours à un ballon muni d'une puce électronique pour valider le franchissement de la ligne de but, ça me semble aller dans le bon sens. De toute façon, avec ces deux projets, on a déjà cerné le problème: la plus grosse partie des litiges porte sur le fait de savoir si la faute a été commise à l'intérieur ou à l'extérieur de la surface et sur la question du franchissement de la ligne de but par le ballon.
Il paraît illusoire de vouloir étendre ces mesures au monde amateur ce qui relance le débat sur un football à deux vitesses...
Mais le football est déjà depuis un bon moment à trois ou quatre vitesses! En district, il y a de plus en plus de matches qui ne sont pas couverts par les arbitres. En Promotion de Ligue, on souhaiterait pouvoir dépêcher systématiquement trois arbitres officiels mais ce sera difficile à mettre en oeuvre vu la baisse importante des effectifs du corps arbitral en Franche-Comté: on était 699 la saison dernière et cette saison, on ne recense que 550 arbitres... Beaucoup n'ont pas renouvelé leur engagement et franchement, vu le climat de violence qui règne depuis un an, ça n'a rien d'étonnant!
La journée nationale de l'arbitrage peut-elle aider à remonter la pente?
La journée nationale de l'arbitrage a été un gros coup de pub pour l'abitrage il y a deux ou trois ans mais là, le concept a tendance à s'essouffler. Trop de clubs ne jouent pas le jeu, à commencer par ceux qui ne sont pas en règle avec les statuts de l'arbitrage. Ils devraient au contraire être les premiers à se déplacer samedi pour mettre le pied à l'étrier à un jeune. Ce n'est pas le cas et ça ne risque pas de s'inverser tant que l'on aura pas des statuts de l'arbitrage plus contraignants: avant 1992, la contrainte était beaucoup plus forte avec notamment la perspective pour les clubs de se voir refuser une montée dès la première année d'infraction. A cette époque, la Franche-Comté comptait 1200 arbitres...
Pourquoi alors ne pas revenir à des statuts plus contraignants?
Mais parce que ce sont les clubs qui décident et ils ne voteront pas ça spontanément! Il faut que ce soit la fédération ou l'assemblée générale des présidents de ligue qui l'imposent. Ce n'est pas très populaire évidemment mais c'est la seule solution pour solutionner nos problèmes d'effectif. Parce que vu l'ingratitude de la tâche, les gens ne viendront plus spontanément à l'arbitrage.
La violence semble s'être installée sur les terrains de Franche-Comté ces derniers mois. Comment expliquer cette flambée alors que la région avait été relativement épargnée jusque-là?
Je ne l'explique pas mais ce que je constate, c'est la récurrence du phénomène dans certains clubs. La loi du 1er janvier 2007 qui assimile les arbitres à des agents de service public va dans le bon sens mais il faut marteler ce qu'elle qu'elle signifie (ndlr: jusqu'à cinq ans de prison ferme et 75000 euros d'amende) pour qu'elle ait un caractère suffisamment dissuasif. Ça ne se sait pas encore assez. Mais je pense qu'il va falloir aller au-delà des sanctions sur les individus et penser à s'attaquer aux clubs. Ils ont une co-responsabilité dans l'attitude de leurs licenciés et franchement, je ne comprends pas ceux qui s'entêtent à recruter ou à conserver des gens à problèmes.
En tant que président de la commission régionale de l'arbitrage, est-ce un message que vous allez faire passer à Christophe Adam*, le nouveau conseiller technique régional en arbitrage?
Sa mission sera surtout de faire du recrutement et de fidéliser les recrues. Ça passera par de l'information dans les collèges, dans les lycées et dans les clubs.
Vous aviez proposé un autre candidat, Husseyin Ocak, pour ce poste. Le fait qu'il n'ait pas été retenu vous pose-t-il un problème?
Husseyin Ocak était Franc- Comtois et avait effectivement nos faveurs à ce titre. Maintenant, le conseil de ligue a tranché et choisi quelqu'un d'autre. Ce que je retiens aujourd'hui, c'est qu'après deux ans de vacance, le poste est pourvu. Il n'y aura pas de problème: on travaillera en bonne entente avec Christophe Adam.
NOTE *: Christophe Adam a été recruté pour occuper la fonction de conseiller technique en arbitrage. Il sera à pied d'oeuvre début novembre et fera l'objet d'une présentation officielle le 9 novembre prochain à l'occasion de l'assemblée générale de la ligue
REPERES Le programme de la 6e journée nationale de l'arbitrage > 13 h 30-14 heures : accueil des « jeunes » postulants à l'arbitrage. > 14-15 heures : ateliers théoriques (Quizz vidéo et QCM à partir de vrais matchs avec arrêts sur images et questionnaires sous forme d'ateliers animés par des jeunes arbitres). > 15 heures-16 h 45 : ateliers pratiques sous la forme de mini matchs au cours desquels chacun peut se familiariser aux techniques de l'arbitrage sur les conseils aguerris d'un arbitre expérimenté. > 16 h 45-17 h 30 : Goûter avec les enfants et remise des diplômes et des lots offerts par les partenaires des arbitres : T-shirt, brassards La Poste ou sifflets But. Lons, unique site jurassien > Football et rugby: stade municipal > Handball: GES du Solvan > Basket: salle omnisports
NOTE 6e journée nationale de l'arbitrage, samedi 27 octobre
Article tiré du journal Le Progrès (Stéphane Cléau) 26/10/07